« Je te dis que ça ne se passera pas comme ça ! » Assise au sommet des escaliers, Aria écoutait ses parents s’entre-déchirer. La douce mélodie des voix de ses parents se mêlant pour ne devenir qu’un cri unique était devenue un refrain bien trop récurrent. Après toutes ces années, elle aurait du y être habitué mais à chaque fois qu’ils haussaient le ton, quelque chose se déchirait en elle, c'est-à-dire à chaque fois qu’ils se retrouvaient dans la même pièce plus de dix secondes. Son père était souvent en voyage et sa mère se consolait comme elle pouvait avec le tennis, les massages, le yoga, ou du moins les hommes derrière ces activités. Ce n’était un secret pour personne, ils ne s’aimaient plus, si jamais ça avait un jour le cas. Elle s’était toujours sentie coupable de cette ambiance, persuadée qu’ils restaient ensemble pour elle, pour la protéger. L’annonce du divorce avait une délivrance, elle avait réellement pensé que tout serait réglé s’ils se séparaient. Fol espoir que d’y croire. C’était encore pire, si tant est que ce soit possible.

Un éclat de verre la fit sursauter, de nouveau lorsqu’on posa une main sur son épaule. En tournant la tête, c’est James qui se présenta à elle, le fil de leur bonne. Ils avaient plus ou moins grandi ensemble dans cette grande demeure silencieuse la plupart du temps. Il n’avait pas besoin de dire quoi que ce soit, se contenta d’ailleurs de lui serrer la main, aussi fort qu’il le pouvait. Une larme glissa sur la joue poudreuse de la jeune femme et elle la laissa terminer sa course sur son chandail. « Elle vivra avec moi dans cette maison, elle a grandit ici, elle doit rester ! » Aria se rendit compte qu’elle avait cessé d’écouter seulement lorsque les paroles furent à nouveau distinctes. Ils parlaient d’elle. Il lui fallut plusieurs autres répliques pour comprendre qu’ils se battaient pour garder la maison. Ils ne se battaient pas pour l’avoir mais pour pouvoir rester dans cette maison, cette vulgaire maison dans laquelle ils n’évoluaient même plus. Rageuse, Aria se leva précipitamment et couru se réfugier dans sa chambre, claquant la porte derrière elle. Elle en avait assez entendu, c’était insupportable, incroyable, et même improbable qu’elle ait pu croire une seule seconde qu’ils voudraient se battre pour sa propre garde. Assise derrière sa porte, elle serrait les poings tellement fort qu’elle sentait ses ongles s’incrustaient dans sa chair. La douleur physique n’arrivait pas à un cheveu de celle qu’elle éprouvait en son cœur mais ça l’estompait légèrement. Juste assez pour pouvoir respirer calmement, pour se raisonner, pour ne rien faire de stupide.

Aria ferma la fermeture éclair de sa valise et la descendit avec difficulté dans le grand hall. Elle avait fait ses adieux à James la veille, avait promit de lui envoyer une carte postale de chaque nouvelle ville et s’y tiendrait avec rigueur. Il avait été une épaule formidable pour le début de sa vie, il fallait maintenant qu’elle vole de ses propres ailes. Au moment où elle enfilait son manteau, son père apparut dans l’embrasure de la porte d’entrée et celle du petit salon claqua, signe que sa mère venait d’un sortir. Cela présageait une dispute. Sans trop savoir pourquoi, elle se sentit nostalgique. C’était la dernière dispute à laquelle elle assisterait, la toute dernière. C’en était terminé des diners où elle ne pouvait pas placer un mot, des vases brisés et des avocats. Elle était libre désormais, et à partir du moment où elle avait décidé de partir, un sentiment de plénitude était apparu. « Chérie, tu t’en vas ? » Sa mère considéra les deux valises aux pieds d’Aria et fit la navette entre elles deux. La rousse leva les yeux vers sa mère et lui adressa un léger sourire, une excuse à demi voilée. En se tournant vers son père, elle constata qu’il souriait, immédiatement elle comprit qu’il pensait qu’elle voulait vivre avec lui. « Oui maman, je m’en vais. » Elle hocha la tête et haussa les épaules tout en boutonnant son blouson. La tristesse, qui normalement aurait du la submerger fut effacé par la colère, comme d’habitude. « C’est ta faute, tu l’a tourné contre moi, ma propre fille veut déménager pour vivre avec toi, qu’est ce que tu lui as dit ! » Son père claqua la porte et s’avança vers elle en haussant le ton à son tour, il fut question de liaisons et autres motifs de déménagement. Elle n’écoutait déjà plus, leurs disputes n’étaient que simple bruit de fond désormais. Elle était libre. Posant les deux lettres qu’elle avait préparé à l’intention de ses parents sur le guéridon, elle attrapa ses deux valises et quitta la maison sans un regret. Ils ne firent pas attention à elle, trop occupés à se reprocher trente ans de vie commune. Elle se permit d’emprunter le taxi de son père. « A l’aéroport s’il vous plait. » Son étude des langues allait enfin servir, elle allait faire le tour du monde. Elle avait son premier billet en main, la France. Son voyage commençait ici.

winter.

le trois décembre en direct de paris.

L’hiver à Paris, tu en as toujours rêvé n’est ce pas ? Moi aussi, et je crois que c’était une erreur, j’avais hautement idéalisé les choses. J’y avais vu la tour Eiffel sous la neige, les enfants jouant gaiement dans une patinoire en plein air, des librairies chauffées qui seraient d’excellents refuges aux intempéries. La réalité est tout autre. La patinoire en plein air est certes prise d’assaut mais c’est beaucoup moins glamour que dans mon esprit. Les trottoirs gelés semblent me tendre un piège à chaque fois que je mets un pied hors de mon auberge. La neige s’est transformée en une espace de boue noirâtre quelque peu immonde et la toucher ne viendrait à l’esprit d’aucune personne saine d’esprit, même les enfants la regarde avec un air de méprit. Quant aux pigeons, ils n’avaient pas exagérés, il y en a vraiment beaucoup et ça ne ressemble absolument pas à une colombe, c’est sale et ça n’hésite pas à débarquer juste devant toi. A croire que l’hiver est déprimant partout. Je compte tout de même rester un peu plus longtemps à Paris, j’ai déniché une petite libraire dans le marais, une vraie merveille. Je crois qu’ils m’ont adoptés, je m’y rends tous les jours, c’est plus fort que moi. Si tu la voyais, tu n’aurais pas envie d’en partir non plus. Mon français s’améliore de jours en jour et je peux aujourd’hui t’assurer que personne ne se trimballe avec un béret sur la tête mais que la baguette est un vrai régal. Et je ne te parle même pas des croissants au petit déjeuner ! Tu me manques mon James, j’aimerai tellement que tu sois ici avec moi. Affectueusement, ton Aria.

spring.

le vingt-trois mai, en plein cœur de la cité latine.

Hier, j’ai fais le vœu que tu me rejoignes ici, en Italie. Et j’ai jeté une pièce dans la fontaine de Trévi, tu es obligés de ramener tes fesses pour garder le mythe intact. Je te rappelle que si je ne crois plus au père noël, c’est ta faute alors tu m’en dois une ! Essayons de laisser un peu de mystère en ce monde. J’espère que vivre dans cette grande maison désormais seul n’est pas trop difficile, mais je suis certaine que ma mère est une colocataire parfaite, au moins tu sais que le bar ne sera jamais plein ! Ah ah, tu peux sentir l’amertume dans mes mots, je sais, tu me connais tellement bien aussi. Je crois qu’ils me manquent en réalité, mais dès que je vois un couple se disputer dans la rue j’ai l’impression d’être de retour à la maison, ça fait du bien. Je dois être la seule personne à apprécier de voir deux personnes s’entre-tuer, mes parents ont du me dérégler ! Enfin bref, revenons en à mes moutons. Tu veux savoir si la pizza est vraiment grandiose en Italie ? Peut-être mais celle que j’ai mangé hier n’était pas si excellente. J’étais avec la fille qui partage ma chambre à l’auberge et crois moi, on a bien faillit partir sans payer tellement c’était immonde, et tu sais que ce n’est pas mon genre. Mais sinon les italiens sont vraiment craquants, et bruyants. Rome est magnifique, j’ai visité le forum hier et j’ai tout plein de photos à te montrer. Tu me manques James, viens me voir s’il te plait. De tout mon cœur, Aria.

summer.

le dix aout, en provenance de pragues.

Je suis désolée, je crois que cela fait longtemps que je n’ai pas écrit. Je vais bien, ne t’inquiètes pas, j’ai juste été un peu … Occupée. J’ai rencontré quelqu’un dans le train pour Pragues. Quand je dis quelqu’un c’est bien un homme. Il s’appelle Tobias, je lui ai bavé dessus je crois pendant la nuit. C’est un américain, un vrai de vrai. Enfin un canadien mais c’est la même chose pas vrai ?! J’aurai peut-être du commencer par les Etats-Unis plutôt que par l’Europe, c’était tellement proche de chez nous. Enfin bref, je crois qu’on va rester un petit moment ensemble. Ce n’est pas comme ça entre nous, pas comme ce que tu imagines mais il est vraiment gentil et attentionné. Peut-être que j’aimerai que ce soit plus qu’un ami, je ne sais pas vraiment. Ce que je sais, c’est que pour le moment, je ne suis pas prête à me poser, j’ai encore besoin de cette liberté, de ne pas savoir ce que je vais faire le matin venu ou de l’endroit où je me trouverai le soir suivant. Ce n’est pas le moment. Et puis mon seul exemple de couple n’est pas très concluant alors si je dois finir comme ma mère non merci. Elle m’a appel d’ailleurs il n’y a pas très longtemps. Elle m’a dit que je lui manquais. Ça semblait sincère, je crois qu’elle a vraiment changé. Je ne reviendrai pas encore, peut-être jamais mais elle me manque aussi. Toi aussi, écris moi, dis moi si tu vas bien. Je dois te laisser, un feu d’artifice est sur le point de commencer. Affectueusement, Aria.

autumn.

le quinze octobre, toujours de pragues.

Il est parti. Je le savais, c’est moi qui l’aie forcé à s’en aller quelque part mais je ne pensais pas que je me sentirai aussi … Désœuvrée. C’était ma première fois tu sais, je crois que je ne l’oublierai jamais mais malgré ça, j’aurai du mal à oublier son visage, son sourire mutin, sa main replaçant une mèche de mes cheveux. C’était un peu comme un rêve et je viens de brutalement me réveiller. Je sais ce qu’il se passe, il me manque. Il me manque cruellement, son absence s’étale partout autour de moi, si cruellement. Pragues n’a pas le même goût sans lui, je ne crois pas que je vais y rester longtemps, mon projet arrêt sera sans doute la Norvège, ou la Russie, j’ai bien envie de visiter les étendues de neige de ce grand pays. J’ai déjà plié bagages, il ne me reste plus qu’à partir mais je n’arrive pas à m’y résoudre. Partir ce serait tirer définitivement un trait sur lui, mettre tout ces mois derrière moi, définitivement. Ce serait la fin d’un chapitre que j’ai prit un réel plaisir à vivre. Ma mère m’a dit que tu avais déménagé mais qu’elle te ferait passer cette lettre à ta nouvelle adresse. Comment ça se fait qu’elle la connaisse et moi non ? J’en ai marre de demander de tes nouvelles à ma mère, écris moi James. J’ai l’impression que l’on s’est trop éloigné, que ces kilomètres entre nous ont réellement commencé à nous détruire. Ta petite voyageuse, Aria.

« Aria, où est ce que tu as mis mes chaussettes noires ? » La jolie rousse finit par ouvrir un œil, puis l’autre et passa une main de l’autre côté du lit, le trouva vide. Elle n’avait donc pas rêvé, il était bel et bien débout et cherchait ses chaussettes, quel romantisme. « ARIA ? » Il se posta devant le lit, ses chaussures dans une main, l’autre sur sa hanche, un air légèrement désinvolte au visage. Elle releva les sourcils et hocha négativement la tête pour lui demander ce qu’il lui voulait. « Mes chaussettes. » Ah oui, ses chaussettes. Elle se redressa sur ses coudes et jeta un œil à la chambre. Elle avait beau vivre avec lui depuis un moi, elle n’avait toujours pas défait ses valises, le syndrome de la voyageuse sans doute. C’était ce qu’il devait se dire. « Dans la salle de bain. » Il murmura un bien sur avant de s’y diriger à grand pas. En jetant un regard à son réveil, ce dernier lui apprit qu’elle était en retard pour son boulot, tant pis, elle se ferait porter pale. Elle hésita à se recoucher mais sachant pertinemment qu’elle ne trouverait pas le sommeil, elle se décida à mettre un pied hors du lit. Rapidement suivi de l’autre, elle se leva et sourit à Ian qui désormais tout habillé, était sur le point de partir travailler. Il déposa un baiser sur son front avant de quitter l’appartement d’un pas pressé. A l’allure d’une larve comparativement à son petit-ami, la rousse parvint à sa valise et s’agenouilla au sol. Elle attrapa une chemise en flanelle et un jean en plus de sous vêtements mais tarda à se lever. Après quelques secondes de réflexion, elle ouvrit une petite pochette dans le fond de sa valise et en tira une photo. Ses lèvres se retroussèrent en un sourire lorsqu’elle posa les yeux sur l’image. Elle avait l’air heureuse, réellement heureuse en tous les cas. Cela faisait déjà cinq mois qu’elle était à Los Angeles, elle savait désormais qu’elle était capable de stabilité. Elle avait terminé son tour de l’Europe, avait visité quelques îles, dont son voyage sur celle de Pâques qui l’avait tout simplement hypnotisée. Peut-être qu’il était temps de se poser réellement, de défaire ses valises. Mais pas ici, pas avec lui. Elle jeta un dernier regard à Tobias avant de le ranger où il se trouvait et d’attraper une carte postale. Elle était prête aujourd’hui. Elle griffonna rapidement quelques nouvelles avant d’ajouter en guise de signature, Toby, tu me manques. Ton offre tient toujours ? Elle n’attendit pas sa réponse pour réserver un vol. A l’idée de cette dernière aventure, elle était encore plus excitée que pour les autres.

« Toby bouge toi, je suis en retard pour mes cours et je ne sais pas où est ce que j’ai mit mon livre sur Molière ! » Il consentit à bouger un orteil et le voir encore tout endormi remua des sentiments contradictoires en elle. Elle était jalouse premièrement, parce qu’elle rêver de quelques heures de sommeil supplémentaires, ne serait ce que quelques minutes. Mais la joie l’emportait sur la jalousie. Elle était réellement heureuse de vivre ici avec lui, d’avoir reprit ses cours. Elle avait une vie, commençait à se faire des amis. C’était presque parfait. Elle attrapa ses ballerines et les enfila à la va vite, manquant de s’étaler une dizaine de fois dans la manœuvre. « Sur la table. » La voix enrouée du blond lui parvint et elle jeta un coup d’œil sur la table où trônait en effet, le livre de Molière qu’elle avait potassé la veille. « Merci, ne traine pas trop marmotte. A ce soir. » C’était rare qu’elle le croise le matin, en général en réalité mais elle était conte de savoir qu’il était là, même lorsqu’il ne l’était pas justement. Son sac en bandoulière passé derrière son cou, elle allait partir lorsqu’elle s’arrêtait devant le tableau métallique où il avait accroché de nombreux clichés. Sur certains, elle reconnaissait Pragues, d’autres villes qu’elle avait visité mais elle le connaissait par cœur. Si le tableau avait attiré son attention ce matin c’est parce qu’il y avait une nouvelle photographie. Elle n’eut aucun mal à reconnaitre le parc principal de Rio en arrière plan, à s’imaginer la scène non plus, ce qui lui donna instinctivement envie de tuer quelqu’un. A choisir, elle se serait bien chargée de la jeune femme sur la photo, Siobhan. Rien que son prénom était ridicule. Lors de son arrivée à Rio, elle n’avait pas escompté partager Toby, ce n’était absolument pas dans ses plans. Mine de rien, elle attrapa un aimant, attrapa une photo dans son porte monnaie, celle de Toby et elle qu’elle gardait auparavant dans sa valise et la plaqua sur le tableau, au niveau de la tête de la brune. Un sourire aux lèvres et l’air satisfait, elle souhaita une bonne journée au canadien et ferma la porte derrière elle. Une nouvelle journée commençait.

Citation :

TUMBLR

« perry ariana »
“ - a little bit stronger - ”