Dirty dancing in the moonlight
Il est bien connu que même en fuyant ses racines, on finit toujours par retourner vers elle. Moi, je n’y croyais pas. J’ai toujours voulu m’éloigner de ma famille, ne supportant de vivre parmi les riches qui s’imaginaient supérieurs ou plus intelligents simplement à cause de leurs ressources financières. Ainsi, après avoir obtenu mon baccalauréat à dix-sept ans en Espagne, mon pays natal, j’ai foutu le camp de chez moi pour partir à la découverte du monde. La Chine, l’Inde, l’Australie, les Etats-Unis, le Brésil… Presque tout y est passé et ça a été l’une des meilleures expériences de ma vie. Toutefois, tout n’est pas rose et très naturellement, j’ai voulu rejoindre ma famille après avoir passé quelques années au Brésil. Confortablement installée dans le canapé de ma chambre près de la fenêtre, je me sentais très bien chez les miens à Malaga. Après avoir quitté Rio, j’avais choisi de débarquer à la demeure familiale et ma mère m’avait accueillie les larmes aux yeux alors que mon père, lui, avait préféré me faire part de ses remontrances. C’était tout à fait légitime et je ne lui en voulais pas le moins du monde. Tout était au beau fixe : un Jane Austen, le soleil rayonnant de Malaga, une nouvelle relation amoureuse, une proximité toute récente avec ma famille… Que pouvais-je souhaiter de plus ? Je passais l’après-midi, là, sereine. J’aimais les dimanches car je ne travaillais pas mais je savais qu’il y avait pire comme situation que conseillère financière. Après tout, je l’avais choisie. Je fus sortie de mes pensées lorsque quelqu’un toqua à ma porte. Je pris soin de remettre mon marque-page avant de refermer mon livre. Je me tournai vers la porte et aperçus ma mère. Je l’accueillis avec un sourire, marchai pour m’approcher d’elle et la serrai légèrement dans mes bras. «
Tu n’es pas encore prête ? » Je la regardai d’un air interrogateur. «
Ton père, toi et moi dinons avec Flavio ce soir. Ne me dis pas que t’as oublié ! » «
Shit ! J’avais complètement oublié. » Ma mère me regarda avec de gros yeux et j’éclatai de rire aussitôt. «
Pardonne-moi, c’est une expression américaine pour dire Zut ou Mince. » «
Ce Tour du Monde ne t’a décidément pas fait que du bien… » Allait-elle me faire des reproches jusqu’à ma mort ? C’était ce que je commençai à croire. Elle déposa un baiser sur ma joue et quitta la pièce en me sermonnant en espagnol mais je fis mine de ne pas l’avoir entendue. Pour votre gouverne, Flavio a été choisi par mes parents pour devenir mon époux. Et oui, les mariages arrangés existent encore de nos jours. C’est bien l’une des raisons pour laquelle je regrette d’être revenue. Cependant, je suis prête à faire mon possible pour m’attirer le respect et la confiance de mes parents. Ce soir serait le premier dîner que j’échangerai avec mon futur époux. Comme le veut la tradition, les parents de la fille sont conviés et je ne me sentais pas très à l’aise avec cela. Je m’attendais à une demande en mariage, ce ne serait même pas la surprise. Pour vous dire la vérité, depuis quelques temps, je ne crois plus en la magie de l’amour.
C’est vêtue d’une
magnifique robe bustier bleue que je quittai la demeure familiale en compagnie de mes parents. Le chauffeur nous mena à un hôtel huppé. Lorsque nous pénétrâmes dans l’enceinte de l’établissement, je pus vois que nous étions loin d’être les seuls. Le repas se passa à merveille. Flavio était un homme très séduisant, intelligent et il me plaisait même si je regrettai de devoir l’épouser par contrainte. Le dessert arriva et, avant d’y goûter, Flavio prit la parole. «
Monsieur et Madame Goulding, je vous remercie de me permettre de faire la connaissance de votre magnifique fille. Vos éloges à son sujet se sont avérées justifiées. C’est pour cela, Monsieur Goulding, que je me permets de vous demander la main de votre fille. » Ouah, quelle surprise ! Ou pas ! C’était bien le problème. J’aurais voulu plus de romantisme plutôt qu’une simple demande en présence de mes parents. Malheureusement, j’allais devoir m’en contenter. Un large sourire prit place sur le visage de mon père. Cela faisait bien longtemps que je ne l’avais pas vu aussi heureux. «
C’est nous qui sommes honorés de votre demande. C’est donc très naturellement que j’ai le plaisir de vous accorder la main de ma fille. » Flavio tourna aussitôt la tête vers moi. Je me forçai à lui sourire, que pouvais-je faire d’autre de toute manière. J’étais cernée, je n’avais pas le choix et je savais que c’était un risque en revenant parmi les miens. Tant pis, j’allais devoir faire avec, c’était un fait. Après deux-trois bouteilles de champagne descendues, nous avons fini par rentrer chez nous. J’avais bu bien plus que de raisons mais avoir un chauffeur s’avérait être un avantage dans ce cas-là.
Les mois passèrent et ma mère voulait faire un mariage en bonne et due forme. En clair, cela signifie un mariage avec plus de trois cents invités avec bien plus de dépenses que nécessaires. Bref, si ça lui faisait plaisir de claquer son pognon comme cela, tant mieux j’ai presque envie de dire. Plus le temps passait et plus je m’attachais à Flavio. Je me rendais chaque jour un peu plus compte qu’il était un homme formidable et que l’avoir à mes côtés ne serait pas aussi insupportable que je l‘aurais cru. Cependant, il restait un problème dont j’étais la seule à être au courant. Il allait falloir que j’en parle à Flavio car il finirait par le découvrir d’une façon ou d’une autre… Alors que Flavio était dans ma chambre en train de s’habiller, je terminai ma douche. Enroulée dans ma serviette, je quittai la salle de bain et rejoignais ma chambre. Je restai debout, en train de le regarder. Il ne manqua pas de remarquer mon regard sur lui. «
Que se passe-t-il, chérie ? » Les larmes me montèrent aux yeux mais je choisis de pincer mes lèvres pour les retenir de couler. Inquiet, il se rapprocha de moi et caressa tendrement ma joue. «
Tu sais que tu peux tout me dire, hein ? » «
Oui mais là, c’est pire que ce que tu peux imaginer… » Il laissa glisser sa main le long de mes bras. Se saisissant de ma main, il m’entraîna vers le lit pour nous asseoir. «
Vas-y, je t’écoute. » Poussant un grand soupir, je préférai toutefois saisir l’occasion car je n’étais pas certaine d’en avoir la force un autre jour. «
Je suis déjà mariée, Flavio… » «
Oh ! » «
Attends, il faut que je t’explique. Au cours de mon Tour du Monde, j’ai vécu un bon moment à Rio de Janeiro. Là-bas, j’y ai rencontré Maxence. Lors d’une soirée de beuverie, nous nous sommes mariés alors qu’on était totalement inconscients de ce que l’on faisait. On a essayé de vivre ensemble pendant un an mais j’ai fini par foutre le camp pour revenir vers mes parents. Nous étions censés divorcer sauf que je suis partie avant qu’il signe les papiers. » «
Tu sais où il est maintenant ? » «
Il aime bien trop Rio pour en être parti. » Flavio se mit à réfléchir quelques minutes. Qu’avait-il en tête ? «
Je te propose que l’on fasse croire à tes parents que nous partons pour un voyage pré-marital. On peut dire que l’on a besoin de se retrouver car notre travail nous prend beaucoup de temps et qu’on se voit peu. Ainsi, on peut se rendre à Rio, essayer de retrouver Maxence pour lui faire signer les papiers… » «
Tu ferais vraiment cela pour moi ? » «
Evidemment. Je te veux rien que pour moi à présent. » Nous avons échangé un baiser et, comme promis, le week-end suivant, nous nous sommes envolés pour Rio. J’avais oublié à quel point cette ville est magnifique. Cependant, j’ai oublié de préciser quelque chose à Flavio : je ne suis pas certaine que Maxence sera coopératif. L’un comme l’autre, nous avons eu pour habitude de nous mener la vie dure et j’ai bien peur que cela ne change pas aujourd’hui même après toutes ces années.