La nuit tombait une fois de plus sur Rio, plongeant cette ville de lumières dans la pénombre. Bon nombre de ses habitants rentraient du travail, et avaient à affronter les embouteillages. Au milieu d'eux se trouvait une petite tête rousse, qui pianotait sur son volant. L'air quelque peu énervé, fatigué, elle tentait de faire passer le temps. La pluie commençait petit à petit à tomber, pour ne pas arranger la situation. Jetant un coup d'œil sur sa montre, les aiguilles y indiquaient une heure indécente pour rentrer chez soi. Mais telle était la vie lorsque l'on travaillait pour une radio. On pouvait se voir coller les programmes nocturnes, et terminer bien plus tard. Sentant la colère bouillonner, Neena-Jack se mit à klaxonner, ainsi qu'à crier sur les conducteurs un peu trop lents, le tout en un parfait portugais. Depuis le temps qu'elle habitait ici, il était tout à fait normal qu'elle se sente un peu comme chez elle. Des mois qui faisaient partie des plus beaux de toute son existence. Parce qu'une fois son addiction à l'alcool lui aura été bénéfique, parce qu'une fois son déhanché lui aura apporté plus que d'horribles courbatures, parce qu'une fois elle ne sera pas réveillée seule. Oui, ces derniers mois avaient fait d'elle une toute nouvelle jeune femme, bien dans ses talons, bien dans sa tête. (...) Quinze minutes plus tard, Neena aperçut enfin le toit de sa demeure, et put garer sa voiture dans son garage. Soupirant longuement, elle claqua la portière, avant de pénétrer dans sa maison pour de bon, et de laisser négligemment ses affaires sur le canapé du salon. Elle était un peu mouillée à cause de l'averse qui faisait rage au dehors, ce pourquoi elle retira ses chaussures, à mesure qu'elle se rapprochait de la cuisine. Un mot griffonné assez rapidement, dont elle reconnut immédiatement l'écriture. Un mot qui lui disait qu'il lui restait de quoi se restaurer dans le frigo, et qu'elle avait manqué à quelqu'un ce soir. Tout cela fit sourire notre belle rouquine, qui s'était imaginée écrire ce genre de choses, et non pas en recevoir. Mais apparemment, la vie était pleine de surprises, et il ne fallait jamais dire jamais. Quoi qu'il en soit, elle ne prit pas la peine de manger, puisqu'elle avait déjà grignoté sur le trajet, et n'étant pas une grosse mangeuse, elle s'en contenterait. Puis le temps se fit long, bien trop long. Sur la pointe des pieds, elle monta les marches de l'escalier, tentant de ne pas trop appuyer sur la troisième en partant du bas, puisqu'elle grinçait, et aurait pu réveiller la maisonnée. Chose que la demoiselle souhaitait avant tout éviter. Quelques pas plus tard, elle tourna à droite, et poussa doucement la porte de la chambre ; de leur chambre. En effet, allongé sur le lit, probablement dans les bras de Morphée depuis un bon moment, se trouvait Samuel, l'homme qui partageait sa vie depuis quelques mois à présent. Un couple un peu singulier, mais qui était tellement adorable tant les deux tourtereaux ne savaient réellement comment s'y prendre. Ils tâtaient, prenaient des décisions, revenaient dessus, et finalement se lançaient tête baissée. Profitant de ce doux moment, Neena se rapprocha de lui, et alla le rejoindre, l'entourant de ses bras, bien que mouillée. Posant sa tête au creux de son cou, elle laissa son souffle quelque peu refroidi par l'eau extérieure s'y échouer, dessinant de légers frissons sur sa peau halée. Descendant ses doigts le long de son bras, elle alla chercher sa main, main qu'elle ne tarda pas à trouver, et la glissa dans la sienne, laissant leurs doigts s'entremêler. Signe que le jeune homme ne dormait plus, et qu'il l'avait reconnue. Un geste qui leur était propre, et tellement attendrissant. Sourire aux lèvres, Neena sentait qu'elle aurait pu tendrement s'endormir à cet instant, mais un cri provenant de la chambre voisine se fit entendre. Fin de l'acte, on tire le rideau. Soupirant pour la deuxième fois de la soirée, la jeune femme déposa un bref baiser au coin des lèvres de Samuel, avant de se lever afin de s'assurer que la petite allait bien. Emha, le portrait de son père, avec, il fallait le dire, pratiquement le même caractère. Neena s'en occupait comme de la sienne, et toutes deux s'entendaient admirablement bien. Une fois arrivée dans sa chambre, elle se rendit près du berceau, et la prit dans ses bras pour tenter de la calmer. Tant pis pour sa nuit de repos, elle était bien entamée de toute façon. Absorbée par ce qu'elle était en train de faire, l'apprentie-maman n'entendit même pas Sam' qui se tenait sur le pas de la porte, encore embrumée par les vapeurs de son sommeil prématurément coupé.

You've got to take the good with the bad,
smile with the sad, love what you've got,
and remember what you had.
Always forgive, but never forget.
Learn from mistakes, but never regret.

Samuel avait l’habitude d’associer la vie à une boite de chocolats. Certains étaient vraiment délicieux et on ne cessait d’en redemander plus parce qu’une fine bouchée ne suffisait pas. D’autre était vraiment immonde, et la seule solution qu’on trouvait c’était d’expulser ce mauvais gouts. En un sens, il avait raison. Dans toute sa vie, il avait rencontré des mauvais moments, un peu trop à son gout mais à chaque fois, il redécouvrait un bonheur qui lui tombait dessus. Il en avait bavé pendant son adolescent, même si à l’époque il ne se l’avouait jamais, et puis au final, ca avait été le coup suprême. Un accident, un mort et il avait pris conscience de sa vie pourrie qu’il avait. Pendant un an, il avait souffert de cette fichue dépendance. C’était dur, vraiment dur de vivre sans la chose qu’on croyait essentielle à notre survis, mais au final, il avait réussit. Grâce à elle. A sa femme. Elle avait inspirée en lui l’envie de devenir quelqu’un de bien, de correct. Il pouvait à nouveau rectifier sa vie, et elle était prête à marcher à ses côtés pour l’aider. Seulement, ça aurait du être l’un des plus beaux moments de sa vie, la naissance de sa fille, mais il s’est avéré être le pire. Chaque jour en la voyant, il voit Jules. C’était insupportable de concevoir sa vie sans elle, alors que la seule chose qui peut vous permettre d’avancer vous la rappelle tant. Mais aujourd’hui, c’était différent. Il savait qu’il avait changé, il savait qu’il était devenu plus fort.
Aujourd’hui, alors que Térésa avait gardé la petite l’après-midi, il avait pu souffler un peu pour aller trouver du boulot. Il avait des frais, il le savait et il ne pouvait pas se reposer sur les bras de Neena. Ce petit moment avait été productif, il avait reçu plusieurs réponses à son CV, bien que c’était payé un peu bas…mais à près tout, c’était déjà ça non ? Fatiguée de sa longue balade à pied en ville, il finit par rentrer, en découvrant Teresa complètement paniqué. « Je suis désolée Sam, mais je ne sais pas ce qu’elle a, elle n’a pourtant pas de fièvre, et ne présente rien de bien alarmant pourtant elle n’arrête pas de pleurer… » Avait-elle dit, la petite dans ses bras. Il s’avança et tendit les bras vers sa fille. Aussitôt Emha tendit elle aussi les bras vers son père. Il commença à la bercer tout en ajoutant à la demoiselle d’aller se reposer chez elle. Il était confiant. Le jeune papa avait connue plusieurs crises comme ça. Les médecins n’arrivaient pas trop à expliquer ces crises, un changement d’environnement trop souvent, un manque d’attention…ils n’en savaient rien, mais Samuel avait quelques méthodes pour la calmer. Mais, il était loin d’imaginer qu’aujourd’hui, ça allait être un véritable calvaire. L’heure tournait…tournait, et elle ne se calmait pas. Il avait tout essayé : de la bercer, un tour en voiture, un morceau à la guitare, des grimaces, des…à vrai dire des choses incompréhensibles qu’il lui passait par la tête. Ses pleurs…bon sang, ça lui avait procuré un mauvais mal de crâne. Il n’avait pas pu faire à manger, il avait commandé chinois, et en avait gardé une partie pour la belle Neena, qui, il le savait, rentrerait tard. Au final, il s’était retrouvé devant la télé, avec sa fille sur ses genoux en train de pleurer. Il changea plusieurs fois de chaines, au moment où il arriva sur les dessins animés. Aussitôt, la petite s’arrêta et regarda cet étrange écran. « Sérieusement ? Tom & Jerry ? » Il soupira. La soirée s’annonçait bien pour lui. En guise de récompense, des dessins animés ! Chouette ! Mais, Emha finit par s’endormir dans ses bras. Calmement, il l’a monta dans sa chambre, et épuisé par ses cris incessants, il alla lui aussi dormir.
Il ne su trop combien de temps il avait dormi, mais il sentit une présence à côté de lui, et quelques gouttes d’eau tombées sur son buste dénudé. Encore un peu dans les vapes, il sentit toute fois sa main glisser le long de son bras pour venir entremêler leurs doigts. Il sourit légèrement et au moment où il allait lui déposé un baiser sur le front, un cri se fit entendre dans la chambre d’à côté. Neena lui assura qu’elle s’en occupait, et elle se leva. Si elle savait ce qu’il avait pu endurer aujourd’hui…Il se leva à son tour, et alla rejoindre les deux anges de sa vie dans la chambre. Il se posta à l’entrée tout en se frottant la tête, comme pour se réveiller. Croisant ses bras sur son torse, il s’appuya à l’encolure de la porte. Il sourit de voir comment Neena prenait soin d’Emha. En un sens, autant qu’Emha que Neena lui rappelait Jules. C’était comme un doux rêves…mais brisé par les pleures du bébé de deux ans. « Si tu arrives à la calmer, je te tire ma révérence…Elle n’a pas arrêté aujourd’hui ! » Il passa une main dans ses cheveux et soupira. « Elle m’a fichu un satanée mal de crâne. » Il espérait qu’avec Neena ça allait vite se calmer, parce que revivre le calvaire de cette après-midi, non merci.