« Liouba ? Tu es là ? Allez décroche, je sais que tu es là. » Encore dans les vapes, la jeune femme chercha le téléphone sur sa table de chevet. Tâtonnant plusieurs fois avant de s'en emparer, elle le porta à son oreille et maugréa quelque chose d'inaudible pour prouver qu'elle venait de décrocher. La soirée d'hier avait été assez mouvementée et elle avait fini sa soirée très tard avec un charmant jeune homme. En parlant de cela .. Liouba tourna la tête vers l'autre côté du lit et eu une vision déroutante. Ce n'était pas le jeune homme qu'elle avait ramené hier mais Milo qu'elle avait cru voir allongé à côté d'elle. Abasourdie par ce qu'elle avait cru voir et ce qu'elle n'aurait donc pas du imaginer une seule seconde, elle perçut la voix impatiente dans le combiné que plusieurs minutes après avoir tourné la tête. La jeune femme accepta très vite la demande du jeune homme pour la voir afin de pouvoir aller prendre sa douche et réorganiser ses idées. Elle s'était interdit de ressentir quoique ce soit et c'était toujours valable. Liouba raccrocha et se leva, emportant l'unique drap du lit, réveillant au passage l'homme dans ce même lit. Comme à son habitude elle ne s'en préoccupa pas et fila dans la salle de bain.

Après avoir pris une douche bien chaude et s'être habillée elle alla consulter ces messages et fut quelque peu déçue. Bon sang, d'où lui venait tout cela ? La dernière fois c'était depuis .. Paralysée par cette pensée, la jeune femme en lâcha presque son téléphone. C'était impossible non ? Et pourtant Milo était bien dans ces pensées .. Un remontant était nécessaire mais aller au bar était un risque en plus de tomber sur lui. Se décidant pour se rendre au café, elle sortit au dehors et envoya un sms à la naïve conquête qui l'avait appelé afin de décommander. La jeune femme se hâta et entra dans le café au bout d'un bon quart d'heure qui était quasiment vide. C'est sûr qu'à cette heure personne n'était au café, il était assez tôt. En entrant une odeur de café lui assaillit les sens. L'odeur du café l'attirait beaucoup étant très fatiguée. Liouba se rendit donc au comptoir et commanda un café très serré. Au moment de payer, une présence se manifesta près d'elle et une voix qu'elle ne connaissait que trop s'éleva. « Laisse, je paye. » Elle n'arrivait pas à le croire, si elle était venue ici c'était simplement pour émerger un petit de peu de sa léthargie et surtout oublier ce qu'elle avait pu imaginer un peu plus tôt. Prenant la café dans sa main, elle se retourna et se força à sourire naturellement. Inutile qu'il ne devine ce qu'elle avait. « Milo .. Je ne m'attendais pas à te voir. Je ne te savais pas si matinal. »

Les insomnies ne font pas partie du quotidien de Milo. Avec son rythme de vie effréné, la fatiguait lui tombe dessus tel un poids dès qu'il eut posé sa tête sur son oreiller. Entre ses concerts, ses sorties et ses journées éprouvantes, Grayson n'a pas l'opportunité de s'accorder des nuits blanches. Et pourtant, il y avait ces soirées où son esprit, bien trop actif, l'empêchait entièrement de fermer l'oeil. Comme cette nuit. Le jeune homme, regard rivé au plafond, ne cessait de rêvasser depuis de nombreuses heures. Il avait tenté à maintes reprises de s'endormir, mais Morphée ne semblait pas disposé à l'accueillir dans ses bras. Dans un soupir, Milo se leva. C'était bien sa veine. Le jour où il devait être le plus présentable et frais possible, voilà qu'il dépensait ses heures de sommeil à penser à ce qu'il aillait bien pouvoir manger le lendemain. D'un pas lent, il se rendit dans la salle de bain où il fit un arrêt devant le miroir. "T'as une sale gueule Milo." Le guitariste était face un homme à la tignasse désordonnée, au regard endormi et aux cernes étonnamment prononcées. Décidément, le sort s'acharnait sur lui.

Tout en prenant sa douche, Milo visualisa la journée importante qui l'attendait. De suite, ses pensées se projetèrent au rendez-vous qu'il avait avec un homme puissant dans le domaine de la musique. Entre-vue décisive pour Milo et son groupe. C'était un peu effrayant de se dire qu'un avenir pouvait se jouer en l'espace de quelques heures. S'il décidait de les prendre sous son aile, c'était une carrière grandiose en perspective qui s'offrait à eux. A cette pensée, Milo ne put s'empêcher de sourire. Il songea à quelques répliques vantardes qui leur permettraient de se vendre, mais abandonna très vite la tâche. Les discours? Très peu pour lui. Lui, il misait tout sur le feeling et son inégalable charisme. Quelques feintes par-ci par-là, des phrases enjôleuses et le tour était joué. Satisfait, il sortit de la douche dans un nuage de vapeur.

Errant dans Rio, Milo arpentait les rues, sans but. Leur rendez-vous n'était prévu que dans l'après-midi, il avait donc tout le loisir de faire ce que bon lui semblait durant toute la matinée. Rester chez lui était impossible pour la simple et bonne raison qu'il ne pouvait plus rester enfermé chez lui. Cette petite promenade improvisée dans Rio était donc un véritable délice. Milo laissait son regard se poser sur des choses futiles : un couple de bien-heureux, un pigeon, la vitrine d'un café. Il s'arrêta net. La chevelure d'une blonde à la silhouette élancée attira son regard. Un sourire en coin étira les lèvres du jeune homme. Sans hésiter, il entra.

"Laisse, je paye." lui souffla-t-il à l'oreille. Avant même que son amie ait pu le contredire, il tendit un billet au serveur et commanda à son tour un expresso. "Milo .. Je ne m'attendais pas à te voir. Je ne te savais pas si matinal." L'intéressé se tourna vers Liouba, cet éternel sourire dragueur sur les lèvres. "Il y a encore beaucoup de choses que tu ne sais pas sur moi." Il lui fit un clin d'oeil pour parfaire son ton mystérieux. Il s'avança et s'installa à une table. Du regard, il incita son amie à venir s'installer en face de lui. "Liouba dans un café à cette heure-ci. Je suppose que t'as pas passé la nuit chez toi." Un bref sourire passa sur ses lèvres. Il feignit l'indifférence bien qu'intérieurement, il fulminait à l'idée de savoir la belle blonde dans les bras d'un autre homme. Jalousie? Si cela est évident, Milo ne semble pas prêt à se l'avouer à lui-même.

Apparemment ce n'était vraiment pas sa journée. Et le bref sentiment qu'elle ressentit en se retournant sur Milo la rendait de plus en plus mauvaise. Elle ne voulait plus souffrir et c'était promis que plus jamais elle ne se remettrait sérieusement avec un homme et a rêver une nouvelle fois d'amour. C'était bien révolu ce temps là. Bien sûr au fond elle se mentait à elle-même mais n'osait pas se l'avouer et sûrement pas à l'avouer à Milo qui lui rirait bien à la figure. Et le sourire qu'il adoptait en sa présence n'aidait absolument en rien. « Il y a encore beaucoup de choses que tu ne sais pas sur moi. » Oui c'était bien vrai et elle s'interdisait toute discussion pour en savoir plus sur lui car à partir de ce moment s'en était fini pour elle, petit à petit elle tombera amoureuse de lui et ça .. Liouba détourna son regard quand il lui adressa un clin d'oeil. Oui aujourd'hui le destin semblait s'acharner sur elle. Quand elle releva les yeux, elle le vit s'installer à une table et lui lancer un regard qui voulait tout dire. Flippant oui. Liouba savait exactement à quoi pensait Milo. Bien sûr elle s’exécuta sans rechigner. A peine s'était-elle assise que Milo la confronta à des paroles cassantes et teintées d'un peu de .. d'amertume, de jalousie ? Non cela devait venir d'elle. « Liouba dans un café à cette heure-ci. Je suppose que t'as pas passé la nuit chez toi. » Il avait raison et intérieurement elle se forçait à cacher ses véritables émotions. Au lieu de lui dire qu'elle pouvait arrêter si jamais il le lui demandait, elle lui répondit d'une voix amusée et froide. « Oui c'est exact et figure toi qu'après ce café je comptais aller le rejoindre de nouveau. » Aussitôt, elle s'en voulut à mort d'avoir prononcer ces paroles. Qu'est ce qu'il lui avait prit ? C'était faux en plus et elle lui avait fait clairement savoir au mec qui dormait dans son lit quand elle était partie.

Pestant contre sa stupidité, la jeune femme étouffa ces murmures en portant le café brûlant à ses lèvres. Sa gorge irradiait littéralement mais elle estimait que c'était assez juste après ce qu'elle avait osé dire. Le masochisme vous connaissez ? Après quelques minutes elle leva les yeux vers Milo et elle se figea sur place quand elle le vit en galante compagnie. Trop occupé à la draguer devant elle, il ne dut même pas remarquer les mots de Liouba disant qu'elle allait aux toilettes. En faite il ne dut même pas remarquer son départ. Sortant une clope de sa poche elle la porta à sa bouche et s'enferma dans une cabine. Elle l'alluma sans se préoccuper des alarmes incendies défectueuses de ce café. La jeune femme prit place sur le cabiné fermé et remonta ses jambes de façon à être presque accroupie. Un picotement désagréable ne tarda pas à se faire sentir, il ne venait pas de sa gorge car elle avait prit depuis longtemps l'habitude de fumer. Il venait de ces yeux. Et Ô miracle une larme coula lentement le long de sa joue. Jamais elle n'avait pleuré depuis qu'elle avait découvert son ex la tromper, jamais. Contrariée elle cogna contre la paroi de la cabine où elle se trouvait, provoquant une douleur fulgurante dans sa main. Une jeune femme qui allait entrer, inquiète par les bruits et l'odeur de fumée dans les toilettes, cria à une serveuse qu'il y avait quelqu'un dans les toilettes qui ne respectait pas les normes. Amusée par l’affolement de la jeune femme à la voix aiguë elle le fut moins quand elle entendit des bruits lourds dans les toilettes et que la voix de Milo résonna. « Liouba mais qu'est ce que tu fous là ? » C'était très ironique comme question. Oui qu'est ce qu'elle foutait là, bon sang ? Dépliant ses jambes afin de se mettre debout, elle s'adossa à une des parois et tira sur sa clope, rejetant une fumée grise au dessus d'elle. Au bout de quelques minutes elle se décida à lui répondre. « J'en sais rien Milo ! »

Milo est ce que l'on pourrait qualifier de coureur de jupons. Il accumule les conquêtes depuis qu'il est au lycée, attirant la gente féminine de son lit et le jetant par la suite, comme des mouchoirs usagés. Il ne s'est jamais vraiment senti honteux par sa manière d'agir. Il est prêt à courir le risque d'écoper d'une réputation de salaud s'il pouvait bénéficier d'un plaisir charnel sans fin. Quelque belles paroles lancées dans la conversation, un regard pénétrant à faire fondre ces dames, un sourire en coin pour parfaire le tout et Milo pouvait s'assurer une soirée en belle compagnie. C'est ainsi qu'il fonctionnait. Pas d'amour, juste du sexe. La plupart de ses conquêtes, il ne les revoyait jamais. A part quelques exceptions avec qui il s'était lié d'amitié par la suite. Et puis, il y avait Liouba. Depuis quelques temps, les sentiments qu'il éprouvait envers elle avaient comme qui dirait changer. Pour le moment, il naviguait en plein terrain inconnu. Parce que oui, penser à une fille alors qu'il était entrain de draguer une autre, se surprendre à ressentir de la jalousie envers les gars qui l'approchaient de trop, voilà des sentiments qu'il n'avait jamais connu auparavant. « Oui c'est exact et figure toi qu'après ce café je comptais aller le rejoindre de nouveau. » Milo lâcha un rire qui sonna creux. A quoi s'attendait-il après tout? Il l'avait subtilement cherchée, elle ripostait. C'était ainsi que cela fonctionnait entre eux. Il tenta de cacher sa frustration au mieux. Extérieurement, il affichait une mine impassible. Intérieurement, il fulminait.

« Vous êtes bien Milo? Le guitariste? » Milo détourna son regard de Liouba qui semblait être absorbée par le fond de sa tasse de café pour le poser sur une ravissante espagnole au teint hâlé, au regard chaud et à la chevelure soyeuse. « Oui, c'est bien moi. » Un sourire charmeur fendit ses lèvres, découvrant des dents étonnamment blanches. « Au risque de passer pour une groupie, je vous adore. » Milo rejeta sa tête en arrière et fut secoué d'un rire. Il se pencha alors vers la jeune femme. « Vous voulez que je vous avoue quelque chose? » L'inconnue se mordilla la lèvre inférieure, l'incitant du regard à continuer sur sa lancée. Milo jubilait littéralement. Il se rapprocha encore plus. Il pouvait sentir le souffle chaud et saccadé de la jeune femme sur son visage. « J'aime les groupies. » Il planta son regard empreint de malice dans celui de l'espagnole. Il se permit de remettre une mèche derrière les oreilles de cette dernière. Il avait réussi son coup. En cinq minutes, il avait réussi à la faire chavirer. Ce petit jeu de séduction n'était cependant qu'une pure vengeance à ses yeux. Son attaque contre la réplique de sa muse. Une serveuse vint alors rompre sa petite séance de drague vengeresse. « Monsieur, votre amie se trouve dans les toilettes et je ne crois pas qu'elle soit vraiment bien. Je pense que vous devriez aller la voir. » Dans un mouvement, il se leva, laissant sa potentielle proie nager dans de douces illusions. Bon sang, Liouba.

« Liouba mais qu'est ce que tu fous là ? »  Milo jeta un regard déconcerté à son amie. C'était quoi ce revirement de situation là? Oui, il ne comprenait pas du tout le comportement de Liouba mais il ne fallut pas longtemps au jeune homme pour comprendre qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond. Si Liouba se laissait aller comme ça, c'est que quelque chose n'allait. Fronçant les sourcils, l'inquiétude déformait les traits de son visage. « J'en sais rien Milo ! » Cette exclamation ne fit que confirmer ce qu'il pensait. Elle n'allait pas bien. « Fumer dans les toilettes est interdit par le règlement. Madame se rebelle? » Sa feinte retomba platement. Elle n'était vraisemblablement pas dans son assiette et tout ce qu'il trouvait à lui dire était une plaisanterie à deux balles. Quel con. Il s'approcha alors et lui prit le visage entre ses mains. Sa peau humide lui indiqua qu'elle avait dû déverser quelques larmes. Il lui sourit. «Qu'est-ce qui se passe Liouba? » lui demanda-t-il d'une voix douce et chaude. « Et ne viens pas me dire qu'il n'y a rien. T'es dans les chiottes, à fumer une clope et je crois bien que t'as pleuré, alors y a quelque chose qui va pas. »

Foutus sentiments. L'amour ne devrait pas être permit si c'est pour laisser des personnes souffrir. Elle devait être belle, adossée contre la paroi d'un cabinet, la clope au bec et des larmes coulant sur ses joues. Des larmes qu'elle avait tant refusé de faire couler. Des pas lourds se firent entendre et puis un claquement de porte. Ouvrant la cabine, elle aperçut Milo. Quelqu'un était sans doute aller le prévenir. Bien entendu. Quelle imbécile elle faisant. Faisant quelques pas avec la bonne intention de déguerpir avant que les choses ne deviennent hors de contrôle, la jeune femme fut glacée par les paroles du jeune homme. « Liouba mais qu'est ce que tu fous là ? » Oui très bonne question Milo. Figure toi que je n'ai pas supporté le fait que tu dragues la première minette qui s'est présentée à toi alors que j'étais là. Oui la jalousie est un vilain défaut et je suis désolée de ressentir cela pour toi. Ce sont les premières choses qui lui vinrent à l'esprit mais aller balancer ça maintenant en plein milieu de la conversation. Non c'était tout bonnement inimaginable pour Liouba. Elle s'était promit pourtant ! Elle s'était promit de ne plus aimer, de ne collectionner que les conquêtes, de fermer son coeur à tous les hommes. Ces belles paroles et ces belles promesses s'envolaient en une seconde et c'était inacceptable

« Fumer dans les toilettes est interdit par le règlement. Madame se rebelle? » Rigoler à sa remarque n'était pas vraiment quelque chose dont elle avait envie maintenant. Non, ce dont elle avait envie maintenant c'était de partir en courant et de se terrer chez elle jusqu'à ce tout cela s'arrange. Était-elle naïve de penser que tout allait s'arranger après une bonne nuit de sommeil ? Bien entendu car quand il lui prit le visage entre ces mains, elle ne put s'empêcher d'aimer son contact, de frissonner légèrement comme une adolescente. Se maudissant, la jeune femme cherchait un échappatoire mais rien ne lui venait. Et la voix de Milo n'arrangeait rien. Il était désireux de savoir ce qui n'allait pas chez cette bonne vieille Liouba. Elle aussi après tout .. « Qu'est-ce qui se passe Liouba ? » Comment allait-elle se sortir de cette situation ? Ces proches lui disaient qu'elle était un aimant à problèmes mais elle ne les croyaient pas jusqu'à maintenant .. L'amour était un problème et un gros .. Lassée de tout cela, la jeune femme laissa tomber. Qu'est ce qu'elle pouvait faire en ce moment pour échapper à tout cela ? Rien.

« Et ne viens pas me dire qu'il n'y a rien. T'es dans les chiottes, à fumer une clope et je crois bien que t'as pleuré, alors y a quelque chose qui va pas. » Levant pour la première fois les yeux vers Milo depuis qu'il avait franchi le seuil des toilettes, elle chercha les mots qui seraient parfaits pour exprimer ce qu'elle ressentait, et ce furent les trois mots les plus évidents du monde qui sortirent de sa bouche. « Je t'aime. Et c'est cela le problème .. Excuse moi .. » S'écartant de Milo, elle sortit en trombe des toilettes et se dirigea vers la table où elle se trouvait une dizaine de minutes auparavant avec l'intention de prendre ces affaires et de partir.